On avait laissé l'automobile Chinoise au milieu des années 60 et on la retrouve à la fin des années 70. Entre temps, il ne s'est rien passé (ou presque.) En 1977, Deng Xiaoping (qui fut ouvrier chez Berliet et Renault dans sa jeunesse) prend les commandes du pays. Sa maxime pour le moderniser: "Peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu'il attrape les souris."
Le bilan économique (et humain, mais c'est hors-sujet) du "grand bond en avant" et de la "révolution culturelle" de Mao Zedong est déplorable. Dans les usines, de nombreux cadres et ingénieurs (perçus comme des "bourgeois") ont été expédiés au laogai (le goulag Chinois.) Comme les enseignants ont été également expédiés massivement au laogai, les étudiants sortent de l'université sans réelle qualification. Il n'est pas rare que le responsable d'usine soit le fils ou le beau-frère du délégué local du Parti (un sport très répandu en Chine.) Les équipements sont obsolètes. Enfin, Pékin et Moscou se sont définitivement brouillé dans les années 60, ce qui priva la Chine de son principal soutien technique.
Alors, évidemment, la production s'effondre. A peine 17 000 Shanghai de 1965 à 1979. 600 véhicules tout modèle confondus en 1972. En 1985, malgré les réformes citées ci-après, le taux de motorisation est de 0,5 véhicules pour 1000 habitants; ce qui correspond au 140e rang mondial.
Plus que des chiffres, il suffit de regarder cette grande avenue de Shanghai à la fin des années 70:
Des investissements sont effectués et en 1980, la production de Shanghai remonte à 5 000 unités.
Cela reste insuffisant pour motoriser le pays à terme. En 1978, Deng Xiaoping s'envole au Japon, aux côtés de cadres de FAW. La Chine et le Japon ont une dizaine de siècles de rivalité politique, économique, militaire et culturelle derrière eux. En plus, l'archipel est alors le principal allié du grand satan Américain. Mais les intérêts commerciaux sont plus forts que tout.
Les usines Chinoises produiront ainsi des microvans Japonais sous licence. On voit ici les premiers Suzuki construits par ChangAn, en 1986:
D'emblée, ils sont adoptés par les artisans et les patrons de TPE (les seules entreprises privées autorisées à l'époque.)
L'idée de Pékin est de commencer par des véhicules basiques. Puis de passer à des véhicules plus modernes, notamment des berlines. Pendant ce temps, les ingénieurs peuvent acquérir du savoir-faire et à terme, ils pourront concevoir leurs propres véhicules. Ce que Pékin n'avait pas prévu, c'est qu'il faudrait deux décennies pour atteindre cette dernière étape.
Fait étonnant, chez Jiangling (future fabricant du Landwind), les minivans gardent leurs badges Isuzu:
Avant même que le premier minivan ne sorte d'une usine Chinoise, Pékin réalise les limites du système. Dans une production sous licence, le constructeur vous vend un outillage, il vous aide à mettre en marche la ligne, puis c'est à vous de vous débrouiller.
Si la Chine veut des voitures à court-terme, elle doit se débrouiller autrement. En décembre 1981, Pékin autorise les constructeur étrangers à s'installer en Chine, mais uniquement à travers les joint-ventures. La China National Automotive Industry Corporation est là à la fois pour séduire d'éventuels partenaires étrangers et pour encadrer la construction automobile Chinoise.
Dés 1972, Toyota a tenté d'importer des Crown en Chine. Mais ce n'est qu'en 1980 qu'il obtient le droit d'ouvrir une représentation officielle. Dans les années 80, les importations du Japon sont plafonnées à 5 300 unités annuelles. Toyota détient 34% du marché, dont la moitié sont des Crown. En 1982, Toyota présente deux projets à la CNAIC: une joint-venture avec SATIC (actuelle SAIC) pour des berlines et une autre avec FAW pour des camions Hino. Les projets capoteront (délit de sale [censuré]?) et Toyota se contentera de fournir des boites de vitesses Hino pour les camions FAW.
En janvier 1982, Volkswagen tente sa chance. Dés juin, un accord est signé concernant la production d'un lot de 100 Santana en collaboration avec SATIC. En mars 1985, les premières Santana sortent d'usine.
Alors que beaucoup déconsidèrent la Chine, Volkswagen met le paquet. En mai 1988, un accord est passé avec Hong Qi concernant la production d'Audi 100 (ainsi que de quelques 200.) Puis en février 1991, FAW-VW nait, afin de produire des Jetta.
En janvier 1984, AMC pousse la porte de la CNAIC. Le constructeur est au bord de la faillite et il doit trouver à tout prix des partenariats. L'année suivante, les premiers Jeep Cherokee, assemblés en CKD, sortent des usines Beijing-Jeep, aux côtés des BJC 212 et 2020, d'inspiration soviétique.
Mais les importations en provenance des Etats-Unis sont surtaxées. Du coup, le Cherokee "made in Chine" est beaucoup trop cher (300 000 yuans, contre 120 000 yuans pour une VW Santana.) Il faudra attendre que le secrétaire Américain du trésor (équivalent US du ministre des finances), James Baker, se déplace en Chine, en juin 1986, pour que les surtaxes disparaissent. Le prix descend ainsi à 160 000 yuans.
Puis AMC fut absorbé par Chrysler, lui-même mal en point. Lee Iacocca et son successeur Bob Lutz délaisseront cette joint-venture exotique, laissant Changfeng et son Pajero surfer sur l'engouement des Chinois pour les SUV. Le projet "CCV" de 1995 fera long feu. Puis, en 1998, Daimler rachète Chrysler. Finalement, en 2004, à peine 3 000 véhicules sont produits (l'objectif était de 6 000) et Daimler-Chrysler décide d'arrêter le Cherokee.
En mars 1985, c'est au tour de Peugeot de parapher un accord. La Chine veut se servir de la construction automobile comme d'un outil d'aménagement du territoire. Peugeot est un ainsi marié à un fabricant de bus, Guangzhou, basé à Canton (Guangzhou en V.O.) Guangzhou-Peugeot assemble des 504 et 505 en CKD à partir de 1987. Les chiffres de vente sont modestes. La faute à l'inexpérience du partenaire, à une rivalité politique entre Pékin et Canton (la capitale fait donc tout pour entraver sa croissance), ainsi qu'au ton volontiers paternaliste de Peugeot.
En 1993, les tensions se calment entre Pékin et Canton. La même année, la Commission d'état de développement économique fixe l'objectif de 3 millions de véhicules produit en Chine pour 2000. Les entreprises doivent faire le forcing et celle qui n'atteindront pas 150 000 unités en 1997 seront sacrifiées. Guangzhou-Peugeot est très, très loin de ce chiffre et Peugeot préfère quitter le navire, laissant derrière lui 1,6 milliard de yuans de dettes. C'est la première faillite d'une joint-venture. Cocorico!
En mars 1985, Chongquing Hongyan Motor abandonne les camions Berliet au profit de Steyr. C'est l'hallali pour Paul Berliet, 3 ans après la disparition de la marque fondée par son père.
Notez que les Chinois n'ont pas attendu photoshop pour faire des photomontages foireux. On découvre ainsi ici le Steyr en lévitation:
En 1987, la production Chinoise atteint 20 865 unités. L'année suivante, elle passe à 36 798 unités. Cela reste minuscule à l'échelle du pays; il faut produire des voitures "populaires".
Tianjin Huali, produit sous licence des Daihatsu Porter. En novembre 1986, toujours avec Daihatsu, il se lance dans l'automobile, via la Charade (bientôt appelée Xiali.)
La Chine veut avoir SES voitures. C'est autant une question économique (les joint-ventures et les productions sous licence profitent aux étrangers) qu'une question de fierté nationale.
La Shanghai et la jeep Beijing sont techniquement obsolètes; impossible de les remettre au gout du jour. Pour ne pas repartir de zéro, la Chine va réutiliser la technique qui consiste à se procurer un véhicule étranger, le démonter, en copier les pièces et créer un véhicule "made in China". Une Citroën Visa, une Fiat 126, une Kia Rio et une Opel Corsa passeront ainsi entre les mains des ingénieurs Chinois. Mais ils n'ont, semble-t-il, pas réussi à industrialiser les clones.
L'historique de la Wuling LZW 7100 est flou. Les Chinois auraient finalement mis la main sur l'outillage de la Visa. Motorisée par le 3 cylindres Daihatsu de la Xiali, la voiture a connu une carrière confidentielle, de 1989 à 1995.
(à suivre)
Source:
Auto.sina
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