par La rédaction

Nous nous sommes tant haïs : Peugeot 607.

Tout comme le fantasme de la Porsche tricolore, le complexe de la Mercedes française hante depuis trente ans les redondances des journaleux et envenime les prises de bec entre franchouillards et cyniques. Quand les uns nous refont la Revanche de 1918 à chaque tentative de renversement de l'hégémonie allemande, les autres reconnaissent d'incontestables vertus hilarantes à ces incursions tricolores en territoire (très) hostile. Ce n'est certes pas avec les contre-performances commerciales de la Peugeot 607, ridiculisée à domicile par les Audi A6, Mercedes Classe E et BMW série 5 en 2006, qu'ils pourront relâcher leurs muscles zygomatiques. La Mercedes à la française, une piteuse fumisterie ?

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Et pourtant, des trois losers français du haut de gamme, Peugeot semblait le plus proche cousin germain de Daimler-Benz. De par leur fidélité indéfectible aux carrosseries statutaires, leur précocité de missionnaire en matière de Diesel, leur image de caisse d'épargne auprès des bons pères de famille et leur prudente gestion à même de favoriser les audaces (très) calculées comme de modérer les fièvres innovatrices, les deux vénérables maisons de Sochaux et de Stuttgart ont longtemps présentés d'étonnants liens de gémellités. C'était sans compter les divergences majeures de stratégie industrielle de part et d'autre du Rhin. Alors qu'au sortir des Trente Glorieuses, Peugeot le généraliste a montré comment dissoudre marges bénéficiaires et image petit bourgeois dans la très grande série, les crises pétrolières pas plus que les crashes de princesses n'auraient su compromettre prestige et profitabilité du spécialiste Mercedes.

Hélas pour Peugeot ou fort heureusement pour Mercedes, le made in France constitue depuis le naufrage de nos marques de luxe la meilleure assurance de bide retentissant sur le segment sans pitié des executive cars. Bricolée à moindre coût autour des portières d'un taxi-brousse et d'un V8 diminué de deux pattes, la 604 n'avait d'autre miteuse ambition que de procurer un peu plus d'argent par voiture vendue sans plomber les comptes de la maison. Malgré les fanfaronnades et les moulinets en l'air de Jacques Calvet, la 605 n'a jamais bénéficié de l'aura ni de l'expertise "premium" qu'aurait pourtant méritées ses impériales qualités routières. Construite sur les débris de ce mémorable suicide commercial, la 607 semblait vouée à la même plate destinée d'honnête outsider par la faute d'une enveloppe budgétaire inappropriée et d'une gamme de motorisations misérabiliste. Ce que les faits ont confirmé. En pire.

Car la 607 n'aura connu le succès, sinon la manifestation timorée d'un intérêt fragile, que durant une seule année pleine, 2001. Moins de 38.000 voitures sortent des chaînes de Sochaux cette année-là, une "performance" à faire passer les quelques 80.000 mauvaises 605 bâclées en 1990 pour un fabuleux triomphe. Pire, en 2003, malgré les perfusions de commandes des administrations, le discrédit des bizarreries Renault et la momification prolongée des grandes Citroën, la 607 aura réalisé l'exploit de se faire piquer sa couronne de tank préféré des français par la Mercedes W211 alors empêtrée dans d'historiques déconvenues électroniques. De peur de provoquer crampes et asphyxies chez nos lecteurs, nous tairons charitablement la quantité homéopathique de 607 neuves s'étant par mégarde aventurées à l'exportation. Il faut bien reconnaître que l'espérance d'apercevoir une 607 à Berlin équivaut à peu près à la probabilité de trouver une perle dans un plateau d'huîtres de chez Fouquet's...

Dans un marché où les moteurs à essence servent essentiellement à décorer les brochures publicitaires voire à remplacer potiches et plantes vertes lors des salons internationaux, le fleuron de notre industrie automobile ne pouvait guère compter qu'en la bonne volonté d'un modeste 2,2l HDI 136ch plus propice à la digestion qu'aux coups de sangs. Posséder la première voiture de série équipée d'un filtre à particule ne constituant pas la motivation d'achat essentielle d'un véhicule statutaire, il faut bien reconnaître que pédégés ou simples requins réclamaient autre chose que des alibis écologiques pour satisfaire leur appétit naturel de puissance. Aussi, la 607 aura passé l'essentiel de son ennuyeuse carrière à attendre, attendre, encore et toujours attendre le préchauffage d'un V6 HDI espérée comme le Messie.

Pour assurer l'animation durant l'intermède, la firme sochalienne exposa sous les feux des projecteurs une folklorique 607 landaulet dite "Paladine". Le temps d'un autre show éphémère, elle nous fit miroiter un clone d'AMG aux 400 chevaux imaginaires avec l'ubuesque 607 "Pescarolo". Complexe Mercedes, quand tu nous tiens ! Et puis, finalement, dans les derniers jours de 2004, longtemps après que ces attractions de cirque fussent oubliées et la plupart des vieux fidèles passés chez Mercedes, le miracle du V6 HDI se produisit.

Avec sa surenchère de raffinements technologiques qui flattent ceux qui n'ont jamais vu la couleur du cambouis et ses valeurs de couple et de rendement à démobiliser les derniers résistants à l'huile lourde, ce premier V6 Diesel "français" (bardé d'électronique Bosch et fabriqué par Ford...) transfigurait la plus hexagonale des Mercedes. Tant et si bien qu'à trop vouloir pourchasser les étoiles allemandes, notre championne du compromis confort-tenue de route se fit un peu trop rude pour les fessiers non aguerris à la sècheresse germanique. D'ailleurs, le mode "Sport" de la suspension pilotée n'aurait-il pas mieux mérité la terminologie plus appropirée de mode "Tape-Cul" ? Un comble pour ce paquebot ouaté que les notables et grisonnants achetaient pour son incomparable moelleux de vieux lit de campagne !

Malgré cette germanisation à outrance, il semblerait que la clientèle visée aient préféré l'originale à la copie. Après un léger sursaut des immatriculations en 2005 et malgré le renfort de deux nouveaux quatre cylindres HDI dont le récent 2,2l biturbo 170ch, la 607 plonge à nouveau aux confits des palmarès. Pis, la voilà maintenant torpillée par la Citroën C6, laquelle lui a soufflé nombres des précieuses immatriculations qui lui auraient sans doute permis de terminer 2006 avec les honneurs.

A ce stade, la cause de la Peugeot 607 me semble à ce point désespérée qu'il n'est point besoin d'attendre l'annonce officielle du décès pour la considérer comme morte. Alors, autant considérer d'ores et déjà cette pauvre histoire comme l'oraison funèbre de la Mercedes à la française.

Requiescat in Pace.

Amen.

PS : la crédibilité prodigieuse d'Automobiles Peugeot sur le segment "H" et les moyens faramineux mis en oeuvre pour s'y maintenir me laisse espérer un quasi copier-coller du présent article lors des enterrements des 608, 609 et suivantes. Comme quoi les bides à la chaîne font aussi les grandes économies d'échelle.

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Tout comme le fantasme de la Porsche tricolore, le complexe de la Mercedes française hante depuis trente ans les redondances des journaleux et envenime les prises de bec entre franchouillards et cyniques. Quand les uns nous refont la Revanche de 1918 à chaque tentative de renversement de l'hégémonie allemande, les autres reconnaissent d'incontestables vertus hilarantes à ces incursions tricolores en territoire (très) hostile. Ce n'est certes pas avec les contre-performances commerciales de la Peugeot 607, ridiculisée à domicile par les Audi A6, Mercedes Classe E et BMW série 5 en 2006, qu'ils pourront relâcher leurs muscles zygomatiques. La Mercedes à la française, une piteuse fumisterie ?

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