Rencontre: Eric Salignon, part 2
Assistance légère.
Assistance légère.
Nous avons quitté Eric durant les festivités de son titre de champion d'Europe de Formule Renault (2002) alors que le Renault Driver Development badge sa combinaison et gère sa carrière. Paradoxalement, c'est là que les emmerdes commencent !
Porter l'étiquette RDD impose que l'on se voue corps et âmes aux intentions d'un boss qui fait miroiter les apparâts de la brillante F1 et qui fait taire les vélléités et les objections éventuelles. De toutes façons, à 19 ans, sans manager personnel, comment ne pas suivre les conseils d'un tel parrain ?
Quand après le titre de Champion de France de Formule Renault 2.0l en 2001, toute carrière normalement menée aurait poussé le garçon à l'echelon supérieur, Renault va lui imposer de végéter une année supplémentaire dans la catégorie FR. Sa troisième ! Malgré l'inconvénient majeur de rendre près de 13 kg à ses adversaires (le poids mini autorisé en FR ne prend pas en compte le pilote. Seulement la monoplace), le titre européen est acquis.
" je voulais monter en F3. Le RDD n'a pas voulu et m'a fait repartir une année supplémentaire en FR. J'ai 23 ans maintenant. Si j'en avais trois de moins dans ma situation actuelle, ce serait forcément meilleur même si je me sens plus prêt aujourd'hui que je ne l'était à 20 ans. "
De là, on arrive à parler de la confiance en soi. "C'est la base. L'essentiel même. La différence au chrono est énorme entre une période de doute et une période faste." . Comment la cultiver, cette confiance? "Je me suis mis à la sofrologie récemment". Comme tous les sportifs de haut niveau, je serais tenté de dire.
Dans la discussion on en vient à analyser les sources de perte de confiance. Et l'analyse est impitoyable. La gestion de la carrière est prépondérante. Des gars comme Raikkonen, Alonso, Massa, Hamilton ont une trajectoire limpide et rapide jusqu'à la F1. Faire durer les années de formation dans des formules de promotion ne peut qu'augmenter le risque de "mauvaise donne" et donc de perte immanquable du capital confiance.
Donc pour le coup, l'épisode RDD, puisque ce ne fut qu'un épisode, est consternant. Après avoir fait redoubler Eric une saison de trop, décision est prise de l'envoyer en Angleterre découvrir la F3. "A priori, c'était une bonne idée. Mais dans les faits, ce fut très dur." C'est le team Hitech, nouvellement créé qui accueille le français.
" En gros, le RDD paye la saison (600.000 euros) et puis c'est tout. je me suis retrouvé en Angleterre à devoir découvrir les circuits, la langue, le pays, l'auto avec pour objectif de jouer des victoires. En plus, mon ingénieur se trouvait être le patron du team, David Hayle. Il cumulait les postes: ingénieur, patron, relations publiques, commercial.... Les briefings duraient 10 mn, 1/4 d'heure maxi sur les courses. Difficile avec ça de faire des résultats."
Et effectivement, c'est la cata. Il termine 12eme. "Mais cette année en Angleterre aura été bénéfique à d'autres égards. Apprendre la langue, la culture de la course automobile des teams anglais me sert énormément. Et en plus, c'est là que j'ai rencontré mon manager actuel !"
Déjà dans la panade, Eric apprend en fin de saison son éviction du RDD pour "objectifs non atteints". Belle formation au métier de pilote ! D'ailleurs une phrase en dit long sur sa déception:" L'arrivée de Kovailanen en F1 à travers le RDD reste un mystère pour moi! Surtout qu'en WS by Nissan, Montagny a été plus rapide que lui du début à la fin de la saison et qu'en GP2 il est battu par Rosberg."
Quand on voit ce que fait Toyota pour ses pilotes en devenir, somme toute assez discrets, ou encore l'aide qu'apporte Red Bull à ses jeunes pousses on est en droit de se demander si le RDD n'est pas encore un alibi pour apaiser la vindicte populaire gauloise contre le manque de volonté de Renault d'avoir un pilote français. Ou pire, si ce n'est pas un système destiné à mettre en difficulté les espoirs français (E.Salignon n'est pas seul dans ce cas) pour les discréditer auprès des teams managers de la F1. N'oublions pas que Briatore est au sommet de la pyramide.
S'i l'on compare la gestion de carrière d'Alonso (pareil pour Kovailanen)où tout a été fait pour le protéger et le mettre réellement dans les meilleures conditions pour qu'il atteigne la F1 en pleine confiance, la question peut se poser.
On se la posera d'autant plus lorsque je vous apprendrai qu'Eric Salignon, au sortir de sa saison ratée en F3 GB et de son éviction par Renault, passe immédiatement sous le giron de ...Mercedes qui lorgnait sur lui. Il fera alors la saison 2004 en F3 Euroséries chez ASM, l'excellent team de Frédéric Vasseur officiellement soutenu par Mercedes. Les débuts sont difficile, il faut retrouver la confiance. En milieu de saison, les résultats refont surface et alors qu'il parvient à revenir en deuxième position au championnat, c'est un accident de la route qui l'éloignera des circuits pour les 4 dernières courses. En pleine saison de négociations pour l'année suivante.
Malgré tout ça, il est encore aujourd'hui pilote Mercedes.
Pilote français, ton salut passe par les constructeurs étrangers ! Dramatique non ?
Je lui demande alors si, pour lui qui a été dans l'Equipe de France Espoirs, la fédération est plus active pour soutenir les pilotes ? "Elle n'aide pas trop en fait. Ca n'est peut être pas son rôle mais bon..."
Et ce fameux stage avec Jean Alesi durant l'hiver ?
" Voilà, c'est tout. En gros, la fédé nous "offre" 2 mn d'exposition télé lors du stage avec Jean Alesi (2 mn d'exposition de Jean Alesi oui ! ndP.G) et puis pour le reste de la saison, plus rien"
Et lorsque le même Jean Alesi se permet d'acquiescer aux propos de Flavio Briatore déplorant l'absence de bons pilotes français, c'est à se visser le doigt sur la tempe. "Ouais.... Ceux qui nous ont aidés en FR ou en F3 l'ont encore en travers de la gorge !" souffle Eric d'un air un peu résigné.
Bref, en France, pays soi disant d'assistés, force est de reconnaitre qu'il est plus juste de parler "d'assistance légère" voire "très légère" pour des pilotes qui, fort logiquement, ont de plus en plus de mal ne serait ce qu'à avoir une chance d'accéder à la F1.
à suivre.
Lire également: Eric Salignon, 1ere partie
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