Souvenirs, souvenirs : Le matin calme
par Joest Jonathan Ouaknine

Souvenirs, souvenirs : Le matin calme

La Corée du Sud est le quatrième producteur mondial de voitures (sans compter les usines coréennes implantées à l'étranger.) Pourtant, c'est un pays rarement évoqué sous un angle "historique". Mais ce n'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'il ne s'y passe rien...Dans l'absolu, la péninsule coréenne serait un grand pays... Néanmoins, elle se retrouve cernée par deux géants, la Chine et le Japon, qui n'ont de cesse de vouloir l'annexer. Au XXème siècle, elle se retrouve en plus convoitée par la Russie et les Etats-Unis. Face à des adversaires beaucoup plus fort que soi, impossible d'être belliqueux. Les Coréens se définissent eux-mêmes comme un peuple de commerçants. Ce sont des négociateurs chevronnés, donc rusés.

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Au lendemain, de la guerre de Corée, c'est le Nord qui se relève en premier. Il profite de sa position stratégique pour bénéficier des largesses de l'URSS, puis de la Chine. Grâce aux Soviétiques, le Nord se dote d'une industrie militaire, notamment dans le terrestre. L'industrie automobile civile est une suite d'aventures improbables. Volvo vend des voitures à Pyongyang, qui refuse de les payer. Le constructeur appelle l'état suédois à l'aide et ce dernier tente d'amadouer les Coréens avec des VHS d'Ingmar Bergman. Les Kim sont de grands fans de Mercedes. Pour un cadre du régime, rouler en Mercedes est l'ultime signe de dévotion au leader. Kim Il-Sung essaye ainsi de cloner la 190. Puis il y a Pyeonghwa, une joint venture avec la secte Moon. La mort de ses deux parrains (Kim Jong-Il et le révérend Moon) semble lui avoir été fatale. En 2006, lorsque MG devient chinois, le royaume ermite est le premier pays où il exporte... Bien qu'aucune MG n'y ait été signalée à ce jour ! Et maintenant, c'est FAW qui envisage de s'installer dans le pays, avec une usine flambant neuve.

Le Sud est d'abord un pays agricole, équipé de rares infrastructures laissées par les Japonais. L'autocrate Syngman Rhee négocie avec les Américains. Les sommes allouées sont utilisées notamment dans le BTP. Des entrepreneurs, proches de Rhee, décrochent des appels d'offre sur mesure. Puis ils se diversifient, installant leurs frères et sœurs à la tête des filiales. Dès les années 60, une poignée de trusts familiaux (ou chaebol) se partagent le pays. Ils ont pour nom Hyundai, Samsung, Lucky Goldstar (LG), Daewoo... Comme beaucoup de pays pauvres, la Corée du Sud surtaxe les importations (pour éviter la sortie de devises.) Face au développement économique, le pays réclame des voitures. Les chaebol font le tour du monde pour trouver des partenaires, qui leurs expédient des voitures en kits. Hyundai s'associe à Ford, puis à Mitsubishi ; Kia, à Fiat, puis à Mazda ; Daewoo, à GM ; Dong-A (future Ssangyong) à Peugeot. Les partenaires regardent les Coréens avec un œil amusé. A force d'assembler pour d'autres, ils se dotent d'un savoir-faire. La Hyundai Pony, première vraie voiture coréenne est un projet mort-né de Morris Marina 5 portes, complété par des éléments de Ford Taunus, avec un moteur Mitsubishi. Pas vraiment de quoi impressionner, avec un tel patchwork...

Dans les années 90, Kia, Hyundai et Daewoo ont une stratégie d'invasion de l'Europe, à coup de modèles low-cost. Daewoo se fait connaître en distribuant des voitures par pelletées dans Le juste prix. Les résultats sont encourageants et les Coréens se voient beaux. Les économistes parlent alors avec envie de "tigres asiatiques" ou de "nouveaux dragons". D'où des projets ambitieux. Daewoo rachète FSO, l'ex-Olcit et les camions Avia. Ssangyong s'offre Panther, se rapproche de Mercedes, puis se lance au Mans. Kia rachète l'outillage de la Lotus Elan. Samsung, jusqu'ici absent de l'automobile, veut faire du premium à prix cassés. Quant à Hyundai, il se lance en WRC.

A l'été 1997, une crise financière frappe de plein fouet l'Asie. Les chaebol, bâtis sur des structures financières opaques, sont balayés. C'est le moment de faire le ménage. Daewoo et Hyundai se retrouvent mouillés dans des scandales de corruption d'hommes politiques et de double comptabilité. Le problème, c'est qu'ils représentent l'essentiel des emplois directs et indirects du pays. Daewoo, aux abois, implose. La filiale auto est soldée à GM. Kia est gobé par son rival Hyundai. Renault s'appuie sur Nissan pour racheter Samsung Motors. Ssangyong, lâché par sa maison mère, est repris par Daewoo, puis par SAIC et finalement par Mahindra. Hyundai est le plus malin : il se laisse reprendre par Daimler Chrysler, le temps d'éponger ses dettes, puis il reprend son indépendance.

Les années 2000 sont celles de la reconquête. Hyundai-Kia et Daewoo/Chevrolet sont aux premières loges du développement des BRIC. Aux Etats-Unis, Hyundai joue la carte du classicisme et profite des ennuis de Toyota. En Chine, c'est un délire : la croissance est telle qu'à peine inaugurée, chaque site se retrouve vite saturé ! Kia-Hyundai, moribond en 2000, s'installe dans le top 5 mondial. Chez GM, l'ex-Daewoo prend la main. Ses Aveo, Spark et autres Cruze deviennent des voitures mondiales et il sort GM de l'ornière. Idem chez Samsung, qui exporte via Renault ses SM3 (Fluence), SM5 (Latitude), SM7 (Talisman) et QM5 (Koleos.) La firme au losange investit lourdement et en fait son expert en haut de gamme.

Aujourd'hui, ils sont chacun dans des séquences différentes. Hyundai-Kia veut améliorer son image de marque et monter en gamme. La Genesis, la Genesis Coupé et le Veloster sont ses premières tentatives. Au passage, il ouvre des usines et des centres de design sur chaque continent. Un moyen pour "glocaliser" ses modèles et réfuter les accusations d'invasion (n'est-ce pas, Arnaud M.?) Le problème de GM, c'est qu'avec le redressement économique, les ouvriers coréens sont devenus bien chers.  Le nouveau chouchou, c'est SAIC-GM, avec sa citadine Sail et ses utilitaires Wuling. L'avenir des sites coréens est en jeu. Chez Samsung, les ventes stagnent et les voitures "Renault-isées" n'ont pas pris en Occident.

Voilà pour l'histoire. Maintenant, quid de la "culture bagnole" ?

Celle de la Corée du Nord est très limitée. Le seul évènement notable est une soirée à Pyongyang en l'honneur du Gumball Rally (où les participants se sont rendus par avion, sans leur voitures.) Le magazine Vice a repéré un circuit de kart, plus ou moins à l'abandon.

En 1999, la ville de Changwon accueille le Korea Super Prix. Cette course de F3 tombe juste après Macao (afin de profiter de son plateau international.) C'est la première grande course de Corée du Sud. Elle disparaît mystérieusement après l'édition 2003. Par la suite, le circuit de Taebaek accueille des courses de Carrera Cup Asia et de Formule BMW Asia. Le pays possède également le circuit d'Everland, au cœur du parc d'attraction éponyme. Depuis 2010, la Corée du Sud accueille la F1, à Yeongam. S'y ajoute enfin le tracé d'Inje, inauguré cette année par l'Asian Le Mans Series.

Malgré tout, on est loin d'un engouement comme au Japon. Lors des épreuves locales de tourisme, les médias préfèrent s'intéresser aux grid girls. Côté pilotes, Jordan Oon ou Che One Lim sont parmi les rares à tenter leur chance hors la péninsule. On est plutôt dans une culture de gentlemen drivers qui courent le dimanche, dans des épreuves locales. Un fait étonnant, eu égard à la situation économique du pays et de ses nombreuses multinationales (qui sont autant de sponsors potentiels.) Faut-il y voir une conséquence de la culture coréenne (discrétion maladive, complexe d'infériorité, primauté du collectif sur l'individu...), peu propice à l'éclosion de talents individuels ?

Traditionnellement, les Coréens voient la voiture comme un outil pour aller d'un point A à un point B. Une fois dépassé, on l'envoie à la casse. Cela explique sans doute pourquoi les constructeurs ne mettent pas en valeur leur passé. La supercar Spirra et les golfettes de CT&T sont les uniques productions artisanales. Les choses vont-elles bouger avec la jeune génération ? Les salarymen préfèrent désormais les berlines allemandes et la classe moyenne n'achète plus systématiquement coréen. Notez enfin que le pays possède sa propre version de Top Gear...

Crédits photos : Ssangyong (photo 1 et photos de la galerie N°2, 5, 7, 10 et 14), Pyeonghwa (photo 2), Kia (photo 3 et photos de la galerie N°4, 11, 13 et 20), Renault (photo 4 et photo de la galerie N°15), Hyundai (photos de la galerie N°1, 6, 8, 9, 19, 21 et 23), Daewoo (photo de la galerie N°3), GM (photos de la galerie N°12, 17 et 18), Red Bull (photo de la galerie N°16), CTCC (photo de la galerie N°22), Caterham (photos de la galerie N°24 et 25) et Oulim Motors (photo de la galerie N°26.)

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La Corée du Sud est le quatrième producteur mondial de voitures (sans compter les usines coréennes implantées à l'étranger.) Pourtant, c'est un pays rarement évoqué sous un angle "historique". Mais ce n'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'il ne s'y passe rien...Dans l'absolu, la péninsule coréenne serait un grand pays... Néanmoins, elle se retrouve cernée par deux géants, la Chine et le Japon, qui n'ont de cesse de vouloir l'annexer. Au XXème siècle, elle se retrouve en plus convoitée par la Russie et les Etats-Unis. Face à des adversaires beaucoup plus fort que soi, impossible d'être belliqueux. Les Coréens se définissent eux-mêmes comme un peuple de commerçants. Ce sont des négociateurs chevronnés, donc rusés.

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