L'ONU s'inquiète du développement des biocarburants
Enfin ! serait-on tenté de dire.
Alors que le cours du pétrole vient de dépasser la barre des 105 dollars le baril et que les prix des matières agricoles flambent à leur tour, l'Agence de l'ONU chargée de la lutte contre la faim dans le monde a mis en garde l'UE jeudi contre le danger des bio-carburants ou plutôt des agri-carburants.
L'Agence estime en effet que de telles pratiques ne font que nourrir la hausse des prix alimentaires. Une réaction quelque peu tardive alors que les 27 en ont fait un axe important de leur politique énergétique ?
"Le changement d'orientation (de nombreux exploitants) en faveur de la production des biocarburants a détourné des terres de la chaîne alimentaire", a souligné la directrice le Programme alimentaire mondial (PAM), Josette Sheeran, lors d'une audition devant des députés européens à Bruxelles.
A cause de ce phénomène, "les prix alimentaires atteignent un tel niveau que celui de l'huile de palme en Afrique est désormais au niveau des prix du carburant", a-t-elle souligné.
Elle a reconnu que l'envolée des prix des matières premières agricoles et des denrées alimentaires ces derniers mois était aussi en partie due à la spéculation sur les marchés, mais à ses yeux "des facteurs structurels sont un élément des prix que nous avons aujourd'hui". Lesquels facteurs structurels ne sont autres que le recours aux agri-carburants.
Encore une fois, manger ou conduire ... Dans son rapport Perspectives de l'alimentation, publié en juin 2007, l'Agence s'inquiétait déjà de la hausse de la facture mondiale des importations alimentaires.
"C'est peut-être une très bonne affaire pour les agriculteurs mais à court terme les plus pauvres sur la planète seront durement frappés" puisque les cultures destinées aux biocarburants tendent à remplacer celles destinées à l'alimentation humaine, a fait valoir la responsable du PAM .... qui semble -t-il a bien compris l'enjeu financier du dossier pour le monde agricole.
Dans le cadre de leur stratégie visant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d'au moins 20% d'ici 2020 par rapport à 1990, les pays de l'Union européenne veulent que les biocarburants représentent au moins 10% de la consommation totale d'essence et de gazole dans les transports européens.
Lundi, lors d'une réunion à Bruxelles, plusieurs ministres européens de l'Environnement ont exprimé leur inquiétude au sujet des biocarburants et de leurs conséquences environnementales et alimentaires, insistant sur la nécessité pour l'UE de prendre des précautions. "La flambée des cours des denrées alimentaires est un problème majeur", avait ainsi insisté le Français Jean-Louis Borloo.
Interrogé en août 2007, sur RMC, le ministre de l'Ecologie, avait affirmé qu'il n'était « pas convaincu » par le fait de dépasser l'objectif de 10 % d'incorporation de biocarburants dans les carburants d'ici 2020. Jean-Louis Borloo avait ainsi expliqué que le développement des biocarburants ne devait pas se faire "au détriment de la capacité agricole mondiale", tout en soulignant les risques de déforestation. Il a également tenu à mettre en garde contre les dérives liées à la production des biocarburants et "l'emballement de mode". Selon lui, à son terme, l'incorporation n'atteindra pas 30 % des carburants.
La responsable du PAM a par ailleurs réaffirmé jeudi à Bruxelles que la mission de son Agence était rendue beaucoup plus difficile par la flambée des prix des produits de base. "Les prix élevés de l'alimentation ont durement entamé la capacité du PAM à répondre à la faim" dans le monde, avec des coûts pour lui en hausse de 40% depuis juin 2007, a-t-elle alerté.
Selon Josette Sheeran, ce phénomène alimente un nouveau type de carence alimentaire dans les pays pauvres, dont les habitants n'ont parfois plus les moyens d'acheter des denrées, même si celles-ci sont disponibles en quantité suffisante, ce qui cause "des troubles sociaux" en Afrique notamment.
La Commission européenne, qui verse aussi des dizaines de millions d'euros chaque année dans l'aide alimentaire aux pays pauvres, s'était déjà inquiétée en début de semaine de la flambée des prix agricoles, se disant prête à puiser dans ses réserves d'urgence pour ajuster son aide alimentaire mondiale aux besoins.
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