par Joest Jonathan Ouaknine

Charles Deutsch ou René Bonnet?

Lorsqu'en décembre 1961, le "D" et le "B" de DB (qui est alors le seul constructeur français de voitures de course) se séparèrent, les fans de sport automobile étaient divisés entre le soutien à l'un ou à l'autre.

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En 1994, Rétroviseur exposa une longue biographie (trois parties) sur Charles Deutsch où René Bonnet est peint comme un fumiste dépensier (je grossis le trait.) Scandale! La rédaction est assaillie de courriers et de témoignages. Pour d'autres, Bonnet était un passionné et Deutsch trop dispersé.

René Bonnet nait en 1904. C'est un cas typique d'autodidacte provincial : à 10 ans, il arrête l'école (tous les profs sont mobilisés) et travaille comme garçon de ferme. Il fut également joueur de football. En 1927, persuadé qu'il est tuberculeux (suite à un mal de dos terrible et 3 consultations chez des médecins), il s'installe dans un sanatorium où il assemble des métiers à tisser afin que les malades puissent payer leurs soins en tissant (il n'y a pas de sécurité sociale à l'époque.)

Deux ans plus tard, un radiologue diagnostique qu'il est en bonne santé. Peu après, son beau-frère meurt et sa sur, établie à Champigny (94), lui demande de tenir leur garage.

Il se prend de passion pour l'automobile et la mécanique, devient pilote et ouvre un concessionnaire Citroën, toujours à Champigny. Il sympathise alors avec le fils des voisins, Charles Deutsch, auxquels il a loué un terrain pour construire son concessionnaire.

Né en 1911, Deutsch était un froid, mais brillant technicien. A une époque où avoir son certificat d'étude est rare, il affiche une collection de scolarité impressionnante: X, Mines, Pont et Supelec! Peu après avoir tenté de participer au grand prix de France avec une Amilcar Pegase (il renoncera aux essais), Bonnet persuade Deutsch de concevoir une voiture autour d'éléments de Traction Avant (logique, vu que Bonnet est agent Citroën.)

Néanmoins, la DB1 n'apparaitra qu'en 1938 et commencera à courir (avec Bonnet au volant.) Une DB2 sera construite l'année suivante, mais la guerre stoppe le projet.

Dés 1945, DB effectue son retour avec une barquette. La petite firme construit ensuite des monoplaces, qui obtienne des places d'honneurs. Mais Citroën (alors détenu par Michelin) n'apprécie pas que des "bricoleurs de Champigny" (terme employé par la marque) utilise ses mécaniques. Un coupé 2+2 carrossé par Antem et présenté au salon de Paris 1949 (la première DB de route) sera la dernière équipée d'un moteur de Traction.

Deutsch et Bonnet trouvent une solution chez Panhard. A l'époque, les Racer 500 (futur F3) émergent et DB veut en être. Alors que les autres utilisent des moteurs de motos, DB "réduit" un bycilindre Panhard pour arriver à 500cm3. Les Racer 500 et Monomil de DB écumèrent les courses hexagonales avec succès jusqu'au début des années 60. Il y eu même une tentative de DB F1 en greffant un compresseur sur un 850cm3 Panhard, en 1955. Mais lors des courses hors-championnat, les performances étaient ridicules face aux grosses F1 et le projet périclitera.

Après la DB-Citroën du salon de Paris 1949, DB présentera d'autres voitures de route, à moteur Panhard cette fois. Il y eu un roadster en 1950, un coupé dessiné par Philippe Charbonneaux en 1951 et l'année suivante un coupé, enfin produit en (petite) série est présenté.

Disposant d'une carrosserie en alliage léger, le coupé de 1952, l'HBR5, ne cessera d'évoluer au cours des années 50: toujours plus profilé et passant du Duralinox au plastique. Evidemment, il s'illustrera également en course, notamment en rallye où il remporte deux nombreuses victoires de catégories.

Un cabriolet DB Le Mans sera également présenté en 1959.

Mais le nerf de DB fut les 24 heures du Mans: Panhard promet une prime à tout concurrent remportant une victoire avec l'un de ses moteurs. En plus, les organisateurs, déçu de ne plus voir de voitures tricolores triompher, ont créé la victoire dite à l'indice énergétique (basé sur un calcul complexe du rapport entre la consommation et la vitesse de pointe) quasiment aussi bien rémunéré que la victoire "scratch".

Dés 1949 et l'époque des DB-Citroën, DB participe aux 24 heures du Mans. Ensuite, ce furent de véritables armadas (7 voitures en 1959!) de tank et de coupés DB qui s'alignèrent. Certaines voitures furent munies de moteur de 4cv. Côté pilotes, Bonnet, Jean Rédélé (le fondateur d'Alpine, sur DB/Renault), Jean Lucas (futur fondateur de Sport Auto), Elie Bayol (fidèle de la marque), Jo Schlesser ou Bernard Consten (M. Tour de France) furent de la partie aux côtés de nombreux amateurs. Elles remportèrent la victoire à l'indice en 1954, 1956 et 1959. DB participa également à des épreuves "sport" dans le reste de l'Europe et aux Etats-Unis. Au total, entre 1500 et 2000 DB ont été produites.

A la fin des années 50, Bonnet se rapproche de Renault (alors que Deutsch considère que DB est "maqué" à Panhard.) Bonnet rêve d'une F1 française, puis d'un coupé sur base Renault 4, la Djet. Deutsch est accaparé par des activités d'ingénierie pétrolière. Il aide également Berliet à concevoir un camion tout-terrain. Homme discret, il est de moins en moins présent à Champigny. C'est la séparation.

Le 31 décembre 1961, René Bonnet s'installe à Romorantin où il loue une usine à Matra. Il y construit donc son coupé Djet. Les débuts en courses sont heureux.

Il produit sa Djet en série, ainsi que le cabriolet Le Mans (qui troque rapidement son moteur Panhard pour un Renault.) En parallèle, il crée une F2, toujours à moteur Renault et un cabriolet, le Missile, piloté en course par un motard baptisé Jean-Pierre Beltoise... Il remarque que les mécanique que Gordini lui prépare offrent des performances inférieures à celles qu'il livre à Alpine. Mais Bonnet n'a pas le temps de se fâcher, car c'est un piètre gestionnaire et il fait faillite, fin 1964. La suite est connu: Matra rachète l'usine, qui devient Matra Automobiles et c'est le début d'une aventure qui vera un titre en F1, 3 victoires au Mans et une série d'automobiles, de la Djet/Jet à L'Avantime... Ruiné, oublié, René Bonnet se retrouve retraité d'office. Il meurt en 1983.

Deutsch, de son côté, fonde la SERA-CD (Société d'Etudes et de Réalisation Automobiles - Charles Deutsch.) Il poursuit au Mans avec des CD-Panhard (plus une CD-DKW en 1963) très profilée. Il invente ainsi l'effet de sol, 10 ans avant Chapparal. Il remportera l'indice de performance au Mans en 1962.

Il y eu également de petites séries de coupés CD, toujours à moteur Panhard. Mais le constructeur est tué par Citroën, son propriétaire. Après une brève association avec le constructeur de F3 Grac et une Grac-CD-Alfa Romeo au Mans en 1965. CD retourne seul dans la Sarthe en 1966 et 1967 avec Peugeot, qui sponsorise timidement l'équipe.

Toujours aussi discret, Deutsch se contentera ensuite de jouer les sous-traitant. Il aide ainsi Porsche à affiner la 908 et la 917. Auteur de la première Ligier F1, on lui doit la JS11 avec laquelle Depailler et Laffite jouèrent le titre. Mais la SERA-CD se considérait comme propriétaire du dessin et lorsque l'Alfa Romeo 179, calqué sur la JS11, nait dans ses ateliers, Guy Ligier claque la porte. Il est mort en 1980, mais la SERA-CD existe toujours.

Et vous alors, Deutsch ou Bonnet?

Sites officiels (ou presque):

DB

SERA-CD

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Pour résumer

Lorsqu'en décembre 1961, le "D" et le "B" de DB (qui est alors le seul constructeur français de voitures de course) se séparèrent, les fans de sport automobile étaient divisés entre le soutien à l'un ou à l'autre.

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